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La
légende de Soneja
José
Cases Aparicio
(Que
ce texte soit un hommage à ce grand homme et poète de Soneja)
Sur
le point culminant où se trouve l’église et les maisons qui forment la
place, à côté du palais, il y avait autrefois une muraille qui défendait
spécialement la magnificence du palais, habité par un maure alfaqui, qui régnait
sur un groupe de maures entassés dans des grottes et des huttes misérables
adossées aux murs du côté du fleuve, qui alors courrait à quelques mètres
de la forteresse. Ce maure dont le nom s’est perdu dans les arcanes de
l’histoire, était un colosse robuste, intelligent et rusé, qui usait
souvent du fouet et de l’épée pour se faire respecter et s’enrichir à côté
de ces gens misérables qui travaillaient la terre de laquelle il retirait lui
de considérables bénéfices.
La
porte principale de la muraille était dans la partie est, toujours fortement
gardée par des maures fidèles ; et au nord il y avait une petite
poterne, avec de solides serrures à une dizaine de mètres à peine du lit du
ruisseau.
Le
paysage de la partie sud-ouest était désolant ; d’un côté, le ravin
-aujourd’hui calle Mayor- bordé par une broussaille forestière et
d’un bois, et de l’autre côté le lit du torrent du Palmar, presque
obstrué par des mauvaises herbes et des joncs, jusqu’à son embouchure dans
un petit estuaire dans le fleuve.
Le
sous-sol du palais forteresse avait de grandes pièces où on emmagasinait les
céréales, les armes et les cuirs pour les transactions avec les marchés
voisins, entre autres Xalar, les villages De Asueva et Mosquera, et le marché
de Perlines, qui était le plus important ; ainsi que les grandes fermes
de Xabin qui vivait dans les monts de Palomera et dans la grotte de La
Cambra, celle de Escales, celle de Ferrer et celle de Hontanar. On voit par là
que la région était riche du commerce de tous les produits de la terre et
particulièrement du bétail, que les habitants élevaient de préférence.
Cette
enclave de population, qui en des temps très lointains a pu être romaine,
comme le montrent les multiples découvertes, qu’il serait évident de
mentionner ici ; mais qui donnent des indices, la découverte d’une
voie romaine au Mont Gomez, par le grand archéologue Hermino Fornes, et qui a
put être une liaison entre la riche cité de Sagunto et l’antique Segóbriga
(Segorbe) -dont les liens ont été si souvent cités par l’histoire- afin de
contenir les féroces guerriers turfuletes qui, profitant des chemins naturels
que leur offrait le bassin du fleuve Perkes –qui s’appelle
aujourd’hui Palancia– faisaient de fréquentes incursions avec des résultats
catastrophiques pour les habitants situés le long du fleuve, arrivant parfois
jusqu’aux villages de la campagne sagontine.
Depuis
la porte principale de la forteresse partait un chemin qui, longeant la
muraille, s’enfonçait vers les berges du fleuve jusqu’aux riches sources
de Las Feuntes ; un endroit accueillant entouré d’arbres qui était le
lieu de prédilection de l’Alfaqui et de sa cour, où il donnait des fêtes,
avec des danses et des chants de louages au suprême Allah, pendant les mois
d’été et d’où étaient interdits les obscurs habitants des huttes et
des grottes adossées à la forteresse. C’était les déshérités qui
habitaient le petit faubourg en dehors de la forteresse, sur les terrains
qu’aujourd’hui occupent les rues de Tres Revueltas et celle de la Hombría,
affectés à la culture de la terre et à l’élevage pastoral, leur sport
favori était la pèche, car le fleuve passait à quelques mètres de leurs
masures, bien qu’au cours des ans il se soit éloigné jusqu’à l’autre
extrémité de son lit.
Soneja
, pour ce que nous en savons, a toujours été un coin paisible, riche et
convoité par ses voisins, enclavé sur le chemin par lequel les Celtibères
transportaient les céréales, les métaux et les peaux pour les échanger
avec les riches marchands sagontins.
Le
riche alfaqui, qui habitait ce lieu avait une favorite qu’il préférait
entre toutes les femmes de sa cour ; une jeune achetée sur les marchés
d’esclaves de Sagunto ; c’était une jeune d’environs dix-huit ans ;
cultivée et belle comme un ange du paradis, qui pratiquait le chant et la
danse avec une artistique maestria ; on pouvait dire qu’elle était la
réunion des muses Terpsichore et Euterpe. Elle s’appelait Sonia ; et
on disait qu’elle était originaire de l’île de Samos en Grèce, et
qu’elle était la fille d’une famille de riches marchands de cette île
qui furent surpris et capturés par des pirates, alors qu’ils naviguaient
dans la mer Égée en direction du port de Salonique, et qu’ensuite ils
furent vendus séparément sur différents marchés aux esclaves, comme cela
était courrant à cette époque.
Au
début le concubinage avec ce tyran allait calmement, bien qu’elle dût
s’adapter aux caprices et étranges coutumes de son maître. Au bout des
deux ans de vie commune avec lui elle fût enceinte et au moment venu elle
donna le jour à une fille qu’il accueillît avec des cris et des injures
qui ne sont pas à répéter. Il espérait un garçon, désir généralisé
dans les familles musulmanes, qui n’appréciaient pas la naissance d’une
fille. Pour cela il couvrît d’injures sa favorite et ordonna que l’on emmène
l’enfant loin d’ici. La mère voyant l’attitude brutale de son maître
et devant la peur qu’il la fasse disparaître remis la fillette à une jeune
maure qui avait eût un enfant au même moment, pour q’elle l’allaite et
en prenne soin loin du palais. A partir de ce moment l’affection que le
tyran avait pour sa favorite se refroidît, dégénéra en mépris et en
mauvais traitements qu’elle ne pût supporter longtemps ; et les trois
ans qui suivirent la naissance furent pour elle un enfer, seules les fréquentes
visites qu’elle pût faire à sa fille en cachette de son maître
la maintinrent debout jusqu’à la mort.
La
fillette s’appelait Sonia, comme sa mère... Quand elle avait dix ans le dit
alfaqui faisant une inspection dans les demeures de ses sujets, la beauté et
la douceur d’une fillette blonde aux yeux bleus attira son attention, bien
que mal vêtue et mal chaussée comme ces pauvres gens. Il y avait quelque
chose en elle qui lui rappela son ancienne favorite ; et chose insolite
chez lui lorsqu’il traitait avec ces gens misérables et subordonnés, il
s’approcha d’elle qui tremblait et s’accrochait à la ceinture de la
Maure qui l’avait adoptée, il posa sa grosse main frustre sur ces cheveux
blonds et abondants, et avec un début de sourire, qui ressemblait plus à une
grimace, il mit dans sa main une pièce d’argent à la grande surprise et à
la joie de la « mère ».
Comme
le temps ne pardonne ni aux bons ni aux méchants, l’Alfaqui, qui avait dépassé
les cinquante ans, commença à se sentir seul, malgré les raffinements et
les plaisirs qu’il avait toujours eut à sa portée. Parfois dans ses
moments de solitude, qui étaient rares, il se souvenait du regard des yeux
azur de cette fillette qu’il avait vu dans les chaumières près du fleuve.
La maure, certainement mise au courant par la défunte Sonia se montra réticente
et craintive à répondre aux questions que son maître lui posait ; mais
enfin elle lui avoua la vérité, pensant être punie pendant qu’elle séchait
ses larmes du revers de la main.
Alors l’Alfaqui la rassura ; il lui donna une petite bourse avec des pièces
d’agent et lui dit de retourner avec les siens et de laisser la fillette
avec lui.
Le
temps passa et la petite Sonia se fit femme ; Elle était dotée de la
beauté classique, de la bonté et du talent de sa génitrice. C'était une
beauté authentique et son corps, merveilleusement proportionné, cachait une
perfection véritablement singulière. Son père la soignait et la gardait
comme un trésor parce qu’elle était l’admiration de toutes les personnes
notables qui visitaient la maison seigneuriale et aussi de tous les humbles
gens qui l’entouraient.
On
peut dire que sa beauté, sa tendresse et son entière personnalité
arrivaient d’une certaine façon à calmer la brutalité et la tyrannie de
son géniteur, jusqu’à l’extrême, que sans se cacher de son père, elle
visitait les humbles demeures de ces gens exploités qui entouraient la
forteresse et elle les aidait comme elle pouvait.
Les
gens du village l’adoraient ; au début ils l’appelaient, peut être par
un défaut de prononciation, ou parce que le nom paraissait plus euphorique et
affectueux, La petite « Xoneya », et ensuite quand elle fut
grande, « La Princesse Xoneya ».
Peut être par un miracle de l’histoire, à travers le temps, l’écho légendaire de ce nom phonétique et mystérieux, enraciné dans les origines de ce joli coin, qu’aujourd’hui nous appelons Soneja, est arrivé jusqu’à nous comme un bouquet de fraîches roses.
Merci à Paul qui a envoyé
ce texte et assuré sa traduction pour BoisseuilNet.